Nous sommes débarqués à Vang Vieng après six heures de route à travers la campagne laotienne. Nous connaissions la réputation de l’endroit. Depuis le début de nos pérégrinations en Asie, nous croisions de jeunes backpackers portant des t-shirts avec l’inscription «Tubing in the Vang Vieng». Les jeunes voyageurs viennent ici pour le «tubing» (la descente de rivière en chambre à air), qui n’est qu’un prétexte à des beuveries décadentes. Ce n’est évidemment pas le genre d’expérience que nous recherchions pendant notre voyage, mais faire étape à Vang Vieng nous permettait de couper le trajet jusqu’à Luang Prabang, et nous avions entendu parler de la beauté des paysages. Ça nous a aussi permis de mesurer toute l’immaturité dont savent faire preuve les jeunes occidentaux en gang et loin de chez eux.
Le Laos est l’un des pays les plus pauvres d’Asie. Surtout dans les campagnes, les gens vivent avec peu, dans des huttes de bambou ou des maisons de planches, mangent deux repas de riz par jour, triment dur dans les champs. Et comme partout en Asie, les laotiens sont plutôt pudiques.
Il était donc pour le moins incongru, en débarquant dans une petite ville comme Vang Vieng (30 000 habitants), de croiser des hordes de jeunes éméchés, buvant leur alcool dans des seaux de plage, bruyants, en bikini et torse nu dans les rues, pendant que les résidents locaux vaquaient à leurs occupations comme si de rien n’était. Dans les petits restos de l’endroit, les jeunes soûlons s’adonnaient tous les après-midi à une activité passionnante : regarder de vieux épisodes de Friends ou des Simpsons, en continuant de bouère. Les voyages forment la jeunesse, qu’ils disent…
Le lendemain, nous sommes allés faire une excursion en kayak sur la rivière Nam Song, dont les eaux sont plutôt tranquilles en cette période (fin de la saison sèche). Émilie et Marianne étaient assises à l’arrière de nos embarcations, les pieds dans l’eau, tandis que nous pagayions entre les falaises abruptes et les curieuses collines pointues, dans un décor magnifique. Soudain, au détour d’un méandre de la rivière, le son d’une musique techno crachée à tue-tête a brisé la quiétude environnante. À mesure que nous approchions, notre ébahissement grandissait : sur la rive, sur une plate-forme de bambou surplombant la rivière indolente, des centaines de jeunes à moitié nus se déhanchaient en buvant des drinks à même leurs seaux colorés. D’autres jouaient à se lancer à l’eau après s’être balancés au bout d’une corde de Tarzan, alors que d’autres encore glissaient jusque dans la rivière sur des toboggans rudimentaires faits de retailles de métal. Des jeunes mettaient leur tube à l’eau pour se laisser descendre jusqu’à l’étape suivante : un autre bar de bambou, avec de la musique tout aussi tonitruante, de l’alcool pas cher et des jeux de grands enfants. Sur cette petite portion de la rivière, dans une nature luxuriante, il y a une dizaine de ces bars de brousse. Quand ils ont fait toutes les escales, les «tubers» sont complètements ivres et se laissent porter par le courant jusqu’au village (mais comme il n’y a pas beaucoup de courant à cette période de l’année, la descente est longue et ils ont sans doute le temps de dégriser un peu…).
Nous avons donc pagayé parmi cette faune divertissante. Nous aurions préféré quelque chose de plus sauvage (dans le sens de «nature»), mais cette excursion aura au moins eu un intérêt sociologique.
Au début de notre excursion, en pleine nature |
Et voilà le party! |
Last Bar! |
Tubeuse |
Vestiges de guerre recyclés |