Des hauts-parleurs crachent une musique pop tonitruante, entrecoupée d'incantations auxquelles on ne comprend rien. Des vendeurs de camelote – réveils-matins, sous-vêtements, casseroles, tapis - haranguent les passants, à côté de petits temples où se recueillent des fidèles, devant des statues de Bouddha dorées, dans les volutes d'encens et le parfum enivrant des fleurs de jasmin. Alors que d'autres odeurs me mettent l'eau à la bouche et que j'essaie de deviner ce que prépare cette cuisinière affairée, dans son immense poêle – une pâte qu'elle étend en petits filaments, qu'elle roule ensuite en cylindres -, ma fille me tire sur le bras pour aller faire un tour de grande roue.
Il y a de ces moments où l'on se sent vraiment dans un autre monde, bombardés de nouvelles informations, tous les sens sollicités. Même si je suis bousculée par une foule dense et que je patauge dans une espèce de soupe grisâtre – la saison des pluies est supposée être finie, mais une averse éclair a tout inondé pendant une heure -, je suis aux anges! De me retrouver à ce temple – Wat Saket – au moment où un festival local bat son plein. Pas un touriste en vue! Nous sommes entourés de Thaïlandais de bonne humeur, sortis en famille manger des sucreries, faire un tour de manège, essayer de gagner un toutou en faisant tomber des boîtes de conserve avec une balle, avant d'aller payer leurs respects à Bouddha – payer, littéralement, puisque Bouddha est entouré de grandes banderoles faites de billets de 20 bhats (65 cents), et parfois même de 1000 bhats (33$!).
C'est ça que l'on recherche dans ce voyage. On ne veut pas visiter des monuments grandioses ou des musées savants. On ne veut pas se retrouver dans des ghettos de touristes, acheter des souvenirs Made in China, loger dans des hôtels de luxe ou faire des excursions dans des villages «authentiques» où tout est mis en scène. On veut voir comment les gens «ordinaires» vivent, mangent, s'amusent, chantent, prient, espèrent, ce qui les préoccupe, ce qui les rend heureux ou tristes, comment ils travaillent, voyagent, aiment, s'instruisent, élèvent leurs enfants. Et en prime, les filles ont eu droit à plusieurs tours de manèges et à quelques sucreries. Tout le monde était content!
La veille, nous avions eu droit à un autre bain de foule « locale », à l'occasion de la fête de Loy Krathong. On se serait crus au Jour de l'an! Nous avons suivi la marée humaine qui se dirigeait vers les rives du Chao Phraya, pas très loin de notre hôtel. Tous le long du chemin, des gens fabriquaient des Krathongs pour les vendre aux passants, qui s'en allaient les faire flotter sur la rivière. Les Krathongs sont de petits paniers faits de pain ou de feuilles de bananiers tressées, décorés de fleurs multicolores, d'une chandelle et de bâtonnets d'encens. Certains sont très élaborés et ont certainement pris des heures à fabriquer. Notre Krathong était rose et jaune, fait d'une espèce de pâte durcie. Au bord de la rivière, nous avons allumé notre chandelle et notre encens. Avec l'aide d'un monsieur équipé d'une perche – et pour la modique somme de 10 bhats (30 cents) – nous avons mis notre Krathong à l'eau, ce qui devrait nous amener de la joie et du bonheur pour les mois à venir. Nous aurions pu confier notre petite embarcation à des garçons à moitié nus qui se jetaient dans les eaux fétides de la rivière pour aller porter les Krathongs plus loin de la rive. Des centaines de personnes se pressaient autour de nous pour envoyer leurs paniers à l'eau, en se recueillant avant de les laisser partir. Même des jeunes habillés à la dernière mode semblaient prendre la cérémonie très au sérieux, tout en profitant de l'occasion pour s'amuser entre amis. À la lueur des chandelles, c'était magnifique.
Plus loin, dans le parc, la fête continuait en musique. Des groupes pop et rock – amateurs, je crois – se produisaient à tour de rôle sur une petite scène. Marianne en a profité pour donner un show de danse devant la scène, et devant la foule en délire, accompagnée de temps en temps par Émilie. Elles étaient hilarantes et nous faisaient oublier la torture infligée à nos oreilles par les chanteurs. Je vous promet pour bientôt sur Youtube un condensé des meilleurs moments de cette soirée mémorable. Ça a consolé les filles d'avoir raté l'Halloween (pas trouvé d'endroits pour fêter ici, à part dans les bars...).
Ces derniers jours, nous nous sommes consacrés à quelques activités professionnelles, notamment pour préparer des reportages pour Protégez-vous (je vous en reparle quand ça sera publié...). Ça nous a donné l'occasion de parler à des gens et de nous attarder à des sujets moins touristiques. Ce qui est génial avec notre métier c'est que, parfois, on n'a pas l'impression de travailler! C'est plutôt une opportunité de connaître encore mieux le pays que l'on visite. Et de partager nos découvertes.
Rien de mieux qu'un petit tour de manège pour se réconcilier avec la vie.
Des jeunes se recueillent avant d'envoyer leurs petits paniers sur l'eau, à la cérémonie de Loy Krathong.
Génial de lire tous ces mots exotiques: on imagine les sons et les couleurs... j'adore! Pendant que vous êtes en petits tee-shirt, ton manteau commence à servir, ici ;-)
RépondreSupprimerComme je suis d'accord avec toi sur le bonheur des reportages à l'étranger: t'es directement plongé dans le vif du sujet, tu apprends beaucoup et vite et tu te sens à ta place même à l'autre bout du monde. Ca réconcilie avec le métier ;-)
Bisous à toute la famille et promis, on vous met de côté des bonbons de notre premier "vrai" Halloween!
Audrey