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mercredi 4 août 2010

L'héritage des Khmers rouges

Crânes de victimes des Khmers rouges au memorial des Killing Fields, près de Phnom Penh


Nous ne sommes restés que dix jours au Cambodge ( de tout ce voyage, notre séjour le plus court dans un pays ). Je ne peux donc pas prétendre bien connaître ce pays, surtout que nous avons eu peu de contacts avec des Cambodgiens, outre des employés d’hôtels, de restos et des chauffeurs de taxi. Nous savions que nous visitions un pays durement éprouvé par des décennies d’hostilités, et que les Khmers rouges, en mettant fin à la guerre et en boutant les étrangers hors de leurs frontières, avaient plongé le Cambodge dans un cauchemar encore plus effroyable que tout ce que les habitants du pays avaient enduré auparavant.

Quatre mois (déjà!) après y être passée, je suis en train de lire un livre fascinant sur l’histoire du Cambodge, qui tente d’expliquer comment les Khmers rouges ont réussi à prendre le pouvoir et à imposer leur «révolution» communiste à leurs concitoyens, avec comme «dommage collatéral» l’élimination de 25% de la population du pays (deux millions de personnes!!!). Si ça vous intéresse, le livre a pour titre When The War Was Over, écrit par Elizabeth Becker, du Washington Post, l’une des seules journalistes occidentales à être restée au Cambodge lorsque les Khmers rouges ont pris le pouvoir. (Intéressant : l’histoire raconte les événements du point de vue d’un banquier cambodgien ayant étudié à l’Université Laval et à McGill dans les années 60).

On y apprend qu’à leur arrivée, en 1975, les communistes radicaux ont littéralement vidé la capitale, Phnom Penh, en 24 heures (tout de même deux millions d’habitants à l’époque). Tous les citadins, incluant les 20 000 malades des hôpitaux, ont été envoyés, à pied, dans les campagnes, pour cultiver la terre – le but des Khmers rouges était l'autosuffisance alimentaire du Cambodge. Les élites, les opposants, les intellectuels, ou ceux qui étaient soupçonnés de l’être, ont été éliminés sans autre forme de procès. Les communistes ont fermé tous les commerces et les écoles, aboli toutes les lois, l’argent (!), la propriété privée, les droits individuels, la religion, les loisirs, et même la famille – les paysans étaient organisés en «coopératives» et les enfants séparés des parents. La lecture et l’écriture étaient interdits, tout comme les bijoux; les paysans ne devaient porter que le «pyjama» noir prescrit par les nouveaux dictateurs. Les leaders communistes arrangeaient les mariages, décidaient qui aurait droit à des médicaments et combien de riz serait distribué (du riz et rien d’autres…). Toutes les nuits, dans les coopératives, des gens disparaissaient sans que personne ne sache pourquoi, et ce qui leur arrivait (dans la plupart des cas, ils étaient exterminés). Et ça a duré quatre ans, avant que les Vietnamiens, les ennemis jurés des Cambodgiens, ne viennent mettre fin à la folie sanglante de Pol Pot et de ses troupes.

Lorsque nous avons visité la prison de Tuol Sleng – le centre de torture des Khmers rouges – et les Killing Fields, près de Phnom Penh, nous étions estomaqués d'apprendre l'ampleur de la violence à laquelle les Cambodgiens ont été soumis. (lire à ce sujet un texte précédent, La guerre expliquee aux enfants ) La plupart des gens de plus de 40 ans ont vécu cette violence et ce climat de terreur. Ils ont à peu près tous perdu des membres de leur famille dans cette période trouble. Ils ne semblent pas avoir tourné la page…

Les Khmers rouges ont été chassés du pouvoir en 1979, mais ont combattu dans le maquis pendant toutes les années 80, ce qui a continué de miner le pays (dans tous les sens du terme…). Une foule d’étrangers se sont portés volontaires pour aider à remettre le pays sur ses rails. C’est au Cambodge qu’est déployée la plus importante opération de l’ONU. Ce qui donne d’ailleurs lieu à des trafics et abus de toutes sortes. Le Cambodge fait toujours partie des pays les plus corrompus au monde. On y voit plus de Lexus, de Mercedès et de Land Rover étincelants que dans tout autre pays d’Asie. Une amie qui connaît bien ce milieu nous a parlé de certains «humanitaires» qui profitent d’un poste dans ce pays de misère pour se remplir les poches et se la couler douce. Malgré les millions de $ dépensés, le Cambodge a de la difficulté à s’en sortir. Et beaucoup de Cambodgiens sont défaitistes. « Vous savez, ils ont tué tous les intellectuels il y a 30 ans », nous a dit l’un d’entre eux, pour tenter d’expliquer pourquoi ils sont si démunis… Quelle tristesse de voir un pays brisé ainsi!

La torture documentée, à la prison de Tuol Sleng.



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