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dimanche 15 novembre 2009

Comment être touriste dans l'un des pays les plus pauvres du monde

Atterrissage à Katmandou: l'aéroport est vieux, sale et sombre. C'est la cohue pour obtenir un visa, qu'il faut payer en dollars US (40$ par personne pour 30 jours). Les toilettes sont infectes; ça me prend bien des efforts de persuasion pour convaincre les filles d'y aller. Il n'y a ni eau ni savon. Au moins, nous n'avons pas été victimes de vol dans nos bagages, comme bien des voyageurs qui arrivent au Népal.

Nous nous entassons avec 10 autres personnes et les valises de tout le monde dans un minibus déglingué aux sièges défoncés qui nous emmène à notre hôtel. Les rues cahoteuses sont plongées dans le noir: panne d'électricité. Les gens ont allumé des feux dans les rues pour s'éclairer. Ça nous permet de voir les vaches sacrées et les chiens errants qui cherchent à manger dans les amoncellements de déchets. Des centaines de personnes dont on distingue les silhouettes mouvantes marchent dans la rue. Le chauffeur se fraie un chemin à grands coups de klaxon. C'est la façon de conduire ici: on fonce dans le tas en klaxonnant. Il n'y a pas de grande route qui relie l'aéroport au quartier touristique de Thamel. Nous empruntons des petites rues à peine plus larges que la ruelle derrière chez nous, et l'on entend des bruits de métal froissé lorsqu'on croise un autre véhicule. Les ronds-points sont paralysés par les véhicules qui se croisent, sans respecter aucun ordre, ni aucune priorité.

L'hôtel n'a pas notre réservation, malgré une confirmation qui nous a été envoyée par courriel. On nous envoie dans un autre hôtel, deux coins de rues plus loin, où l'on nous demande un prix exorbitant (50$US) pour une chambre miteuse. Nous changerons d'hôtel le lendemain, pour trouver une jolie chambre lumineuse, mais les lits sont durs et la salle de bain miniature a une prise d'air sur celle du voisin (bonjour les odeurs et les bruits disgracieux!).

Je l'avais dit que je n'avais plus 20 ans et que j'aurais besoin d'un certain confort. Je ne serai bien que lorsqu'on trouvera l'hôtel Ganesh Himal, où l'on louera une suite (un peu d'intimité pour les parents, grâce aux deux pièces séparées) dotée de lits confortables, d'oreillers moelleux, d'une salle de bain ultra-propre et d'un joli jardin fleuri.

Mais malgré cela, je suis mal à l'aise. Je n'ai pas envie de visiter. Fatigue du voyage, peut-être – ça fait cinq semaines que nous sommes partis. Mais surtout, je suis en plein choc culturel. C'est pourtant la troisième fois que je visite le Népal, je savais à quoi m'attendre... La présence de mes enfants me fait toutefois voir les choses d'un autre oeil. Je me demande à quoi je les expose en les entraînant ainsi dans un pays du tiers-monde, poussiéreux, pollué, où l'électricité manque tous les jours, où les motos nous foncent dessus à toute allure en nous laissant à peine le temps de nous tasser, avec des bandes de chiens errants dans les rues, des gens qui crachent partout, qui font leurs besoins n'importe où (les chiens, les vaches sacrées et les gens aussi, puisque seulement 40% des Népalais ont accès à des toilettes), qui ignorent les règles d'hygiène les plus élémentaires, qui jettent leurs déchets aux coins des rues, sur les terrains vagues et dans les rivières qui sont des égouts à ciel ouvert... et avec des cas de grippe H1N1 qui se déclarent ici aussi, il y a de quoi freaker!

Je m'inquiète pour les dangers qui guettent mes filles, mais au moins, si elles se font mal ou tombent malades, on va les soigner. Alors que ce pays malade et ses habitants, qui va les soigner? Comment vont-ils s'en sortir? Je suis révoltée par le manque d'accès à l'éducation – 70% des enfants vont à l'école, mais seulement 7% se rendent en dixième année, parce que les parents doivent payer -, par le manque de soins – il faut payer pour aller à l'hôpital -, par le système de castes qui, bien qu'illégal, régit encore les rapports sociaux, par les abus commis envers les femmes, qui travaillent bien plus fort que les hommes et sont souvent traitées comme des moins que rien. J'enrage en voyant des enfants sniffer de l'essence et mendier dans les rues. Même quand on se promène autour des temples bouddhistes ou hindouistes – des endroits magnifiques – je ne peux m'empêcher de penser que les gens perdent leur temps en sonnant des cloches ou en faisant tourner des roues de prières. Ne devraient-ils pas travailler à améliorer leur sort et celui de leurs concitoyens? Et les dons fait à Bouddha, pour l'entretien de tous ces temples, ne devraient-ils pas servir à éduquer les enfants? L'encens qu'ils font brûler est une offrande aux dieux, mais il sert aussi à masquer les odeurs. Mais pourquoi ne pas ramasser ses déchets, plutôt?

Le Népal s'est débarrassé de la monarchie en 2008. Bravo! Les Maoistes ont pris le pouvoir en disant vouloir travailler pour le peuple. C'est bien. Mais depuis dix mois, le Parlement est paralysé; la coalition des partis de gauche ne fonctionne plus, minée par des guerres de pouvoir. On n'arrive plus à rien voter, le budget n'a pas été adopté, il y a des grèves et des manifestations régulièrement, rien n'avance! Là aussi c'est le chaos! Comme s'ils avaient besoin de ça!

Bon, tout n'est pas totalement négatif. On a rencontré des gens super gentils, sincèrement intéressés en nous posant des questions sur notre pays. Marianne et Émilie attirent beaucoup l'attention, se font prendre en photo à tous les jours ici aussi. Les Népalais font des oeuvres d'art magnifiques et réussissent à créer la beauté au milieu de la fange.

Et je me disais qu'en quittant Katmandou, le chaos, la circulation, la pollution, le bruit, ça serait plus facile. Nous sommes arrivés hier à Pokhara, une jolie ville au bord d'un lac, au pied de la chaîne de l'Annapurna, où nous irons bientôt faire une randonnée. Nous avons mis sept heures en autobus pour arriver ici, par une route toute en courbes et en côtes, longeant un précipice au fond duquel coulait la rivière Trisuli. Nous avons vu la campagne népalaise dans tout son pittoresque: cultures en terrasses, petites maisons aux toits de paille accrochées au flan des collines, câbles permettant de traverser la rivière dans une petite nacelle (pas d'argent pour construire des ponts), femmes transportant des bûches ou du foin dans leurs dokos (paniers coniques portés sur le dos et retenus par une courroie qui passe sur le front), jeunes filles faisant la lessive dans la rivière, jeunes garçons menant les troupeaux aux pâturages, familles entières faisant les récoltes à la main, hommes battant des brassées de blé sur une toile pour en extraire le grain... Tout cela était champêtre et joli. Mais j'étais incapable de jouir du paysage sans penser que ces gens vivaient encore comme il y a 500 ans.. Ils cultivent leurs champs sans aucune machinerie, ce qui leur prend un temps fou. C'est une agriculture de subsistance, dans un monde où existent les machines qui pourraient leur faciliter la vie. Les gens s'éreintent à faire la lessive, à transporter de lourds chargements, à faire leurs récoltes. Et ces enfants qui travaillent aux champs, ils ne vont pas à l'école, ce qui ne leur laisse aucun espoir d'améliorer leur sort.

Les montagnes sont majestueuses vues de la fenêtre de notre chambre d'hôtel. Mais le pays à leurs pieds est en loques.


Scene de la vie quotidienne: un depotoir dans une rue de Katmandou.


Au pied des montagnes magnifiques, des Népalais travaillent comme des bêtes de somme et vivent dans des conditions difficiles.

Les filles reussissent a s'amuser dans toutes les situations; ici, aux temples de Patan, en banlieue de Katmandou.


4 commentaires:

  1. Bonjour la petite famille

    Ouf! Tout un "electro-choc" culturel. Ce que vous décrivez me fait penser au Ladakh (peut-être en pire??)comme environnement. J'espère que vous pourrez apprécier la beauté de ces Népalais dès que vous aurez repris votre souffle et vous sentirez sécuriser pour vos enfants. Essayez d'aller assister à des cérémonies religieuses dans les temples. Promenez-vous lentement d'un hameau à l'autre car ce que vous voyez n'est qu'un passage pour tous ces gens.

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  2. Vous êtes vraiment à plaindre. Vous perdez votre temps à visiter un pays en traînant avec vous les filtres de votre propre culture. Vous n'avez pas l'ouverture d'esprit nécessaire pour visiter un pays appartenant à une culture différente de la vôtre. Un conseil : restez chez vous et profitez du petit confort bourgeois auquel vous êtes habituée. Les Népalais n'ont que faire de gens comme vous qui qualifient leur pays de loque.

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  3. Je crois au contraire avoir beaucoup d'ouverture d'esprit. Le sens critique, il me semble, n'est pas signe d'un esprit obtus! Je ne sais pas ce que vous connaissez du Népal, mais comme j'en suis à ma troisième visite ici (dont 3 mois passés comme bénévole dans un orphelinat), j'ai assez discuté avec des Népalais pour savoir qu'ils sont eux-mêmes extrêmement critique de la situation de leur pays. Ils dénoncent leurs politiciens corrompus, la bureaucratie qui empêche le développement, l'accès difficile aux soins de santé, les pannes d'électricité, le système de castes qui perpétue les inégalités et fait que les Dalit (intouchables) doivent travailler dans les champs pour les grands propriétaires terriens pour un salaire de misère. Juste la semaine dernière, on annonçait dans les journaux une campagne pour réduire la pollution sonore (je ne suis pas la seule à maudire les klaxons!) et une autre campagne pour nettoyer la ville de ses déchets jetés partout. Les Népalais non plus n'aiment pas vivre parmi les détritus. Ce n'est pas une question de culture! Je peux apprécier leur culture, mais ça ne m'empêche pas de déplorer le manque d'éducation, les problèmes de développement, la corruption, la pollution, le dur labeur et l'insalubrité qui tue des centaines d'enfants chaque année!

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  4. oui, Isabelle, continue à voir, ressentir, réfléchir et parler. Et tant pis pour les gens qui se prennent assez au sérieux pour critiquer avant de chercher à comprendre...
    Audrey

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